Le bébé est un spectateur idéal.
Je n'écris pas pour les bébés. L'expression "écrire pour les bébés", dans une société où beaucoup de ce qui est fait "pour" les bébés relève de l'hygiène et de la sécurité, me fait penser à une prescription médicale. Il y a aussi le "pour" condescendant, proche de "l'infantilisme poétique" évoqué par Bachelard dans "L'eau et les rêves": "Chez de nombreux poètes, les ruisseaux disent leur glou-glou de ce même ton spécial à la "nursery" qui bloque trop souvent l'âme enfantine dans les dissyllabes aux pauvres consonnes: dada, bobo, lolo, coco. Ainsi chantent les ruisseaux dans les contes d'enfant fabriqués par les grandes personnes."
Un jour, j'ai eu envie de raconter le ciel aux bébés. Le choix d'écrire des haïkus, cette forme très ancienne de la poésie japonaise qui tente de saisir, l'espace d'un instant, le réel, s'est immédiatement imposé. Nicole Rechain en a fait un spectacle,"Graines d'étoiles". La rencontre des tout petits avec ces textes a été tellement forte que j'ai eu envie d'écrire pour elle à nouveau des haïkus pour parler aux bébés d'un géant invisible et puissant: le temps.
Ce qui me frappe toujours, chez les bébés spectateurs, c'est leur gravité.
Les bébés ne comprennent pas, ils prennent: le son des voix, la musique des mots, l'angoisse, la peur, le chagrin, la violence, l'amour, ils prennent.
La poésie ne demande pas à celui qui la lit de comprendre, mais de recevoir.
Le bébé est un spectateur idéal.
Il existe une proximité objective entre l'enfant et l'écrivain: l'un et l'autre sont aux prises avec la langue. Tôt ou tard l'écrivain est amené à regarder sa langue avec les yeux de l'enfance: horreur et enchantement. Cette langue qui nous fabrique et qu'on n'a pas choisie, c'est le métier de l'écrivain d'essayer de l'apprivoiser et de jouer avec. Vis à vis des enfants, c'est une vraie responsabilité. Quand j'ai la sensation que sur ce fil fragile, mes mots ont su toucher, sans voyeurisme ni démagogie, la pensée intime de petits spectateurs, c'est un grand bonheur.
Françoise Gerbaulet
2006 :
Janvier 2006 :
Espace Fayolle à Guéret(du 19 au 21 : 4 représentations)Forum culturel de Blanc-Mesnil(du 24 au 28 )
Avril 2006 :
Spectacles en recommandé à Vesoul (du 3 au 7 : 8 représentations)
Mai 2006 :
L'arche à Béthoncourt(du 16 au 18 : 5 représentations)Théâtre de Lunéville(les 19 et 20 : 4 représentations)Centre Culturel Jean L'Hôte à Neuves-Maison(les 21 et 22 : 4 représentations)Scènes croisées de Lozère
Octobre 2006 :
Paris dans le cadre de la co-production Culture 2000, projet Glitterbird